Conduire sans permis expose à de très lourdes sanctions aussi bien pénales qu'au niveau des assurances. Votre assureur peut-il vous indemniser en cas d'accident ? Quelles seraient les conséquences d'un accident pour le conducteur ? Si la règle générale est « pas de permis valide = pas d'assurance », celle-ci s'expliquera cependant de façon différente, selon les cas. Voici le point pour connaître et comprendre les risques liés à cette situation évitable.
L'assureur invoque l'exclusion de garantie ou la déchéance
L'absence de permis de conduire en état de validité entraîne généralement la déchéance du contrat d'assurance (la déchéance de garantie est une perte de garantie opposée à l'assuré du fait d'un manquement à ses obligations contractuelles). Elle découle de la permission donnée à l'assureur par l'article R. 211-10 du Code des assurances de prévoir une exclusion de garantie dans un tel cas.
Celle-ci figure généralement dans les exclusions générales du contrat ou dans le paragraphe concernant le conducteur du véhicule assuré. C'est ainsi que vous pourrez rencontrer une formulation voisine de celle-ci : « Nous ne garantissons jamais les dommages survenus, lorsque qu'au moment du sinistre le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas de permis de conduire en état de validité (ni suspendu, ni périmé, ni annulé, ni invalidé) ».
Les conséquences vis-à-vis de l'assuré conducteur
Elles seront doubles :
- d'un côté, les dommages subis par le véhicule assuré ne seront pas pris en charge par l'assureur - même en cas de garantie « tous risques » ;
- de l'autre, si l'assuré a souscrit une garantie « assurance du conducteur », celle-ci ne s'appliquera pas et il n'y aura aucune indemnisation du préjudice corporel subi par le conducteur.
Bon à savoir : cette règle supporte une exception. C'est le cas dans lequel le conducteur victime, bien qu'ayant commis une faute de comportement (conduite sans permis valable), n'a cependant pas fait de faute de conduite, comme par exemple un accident dû au non-respect d'un « Stop » par le conducteur opposé).
Rappel : le droit à indemnisation bénéficie d'un régime indépendant de l'existence des fautes pénales. L'automobiliste qui conduit sans permis pourra certes être poursuivi devant le tribunal correctionnel pour cette infraction, mais s'il n'a commis aucune faute de conduite, devra être indemnisé de l'intégralité de ses préjudices. Ainsi, le conducteur qui a commis une faute de comportement et non de conduite ne doit pas se voir refuser son indemnisation, ni même se voir opposer un partage de responsabilité. Ceci résulte des dispositions des articles 4 et 5 de la loi du 5 juillet 1985 dite « Badinter » et de la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment l'arrêt du 27 novembre 2007 qui précise : « la cour d’appel qui a déduit de l’examen des circonstances de l’accident l’absence de lien de causalité entre le défaut de permis de conduire et la réalisation des dommages subis pas celui-ci, a fait l’exacte application de 4 de la loi du 5 juillet 1985 » (Cour de cassation, chambre criminelle, 27 novembre 2007, n° 07-81.585).
Les conséquences vis-à-vis des tiers victimes
En ce qui concerne les tiers (adversaire, piéton, cycliste ou autre, mais aussi les passagers transportés), la situation ne changera pas si l'assureur se borne à invoquer une exclusion de garantie. En effet, en vertu de l'article R. 211-13 du Code des assurances, l'exclusion de garantie (sauf en cas de suspension des effets du contrat) n'est pas opposable aux victimes et à leurs ayants droit.
L'assureur devra donc indemniser les victimes. À lui ensuite de se retourner contre le conducteur responsable et sans permis afin d'obtenir le remboursement de l'intégralité des indemnités versées.
L'assureur soulève la nullité du contrat d'assurance
En se basant sur la fausse déclaration intentionnelle prévue par l'article L. 113-8 du Code des assurances, l'assureur peut invoquer la nullité du contrat.
Rappel : le souscripteur d'un contrat d'assurance doit déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence d'aggraver le risque et rendent ainsi inexactes ou caduques les réponses formulées à la souscription, modifiant ainsi l'opinion de l'assureur sur le risque (articles L. 113-2 et L. 113-4 du Code des assurances). C'est le cas de la suspension ou l'annulation du permis de conduire (cf. jurisprudence de la Cour de cassation : Cour de cassation, première chambre civile, 10 mai 2000, n° 97-19.051 et Cour de cassation, deuxième chambre civile, 16 décembre 2010, n° 10-10.859).
Les conséquences vis-à-vis des tiers victimes d'un préjudice corporel
Attention : contrairement à l'exclusion ou à la déchéance, la nullité fondée sur l'article L. 113-8 précité est opposable à toute personne bénéficiaire de la garantie (tel que le conducteur lorsqu'il n'est pas le souscripteur du contrat - cf. Cour de cassation, chambre criminelle, 31 mai 1988, n° 87-84.010) ainsi qu'aux tierces personnes victimes de l'accident.
Si le contrat est frappé de nullité par un jugement, et sous réserve que l'assureur ait satisfait aux prescriptions de l'article R. 421-5 du Code des assurances qui lui imposent d'aviser simultanément de son intention par lettre recommandée avec accusé de réception, non seulement les victimes mais également le Fonds de garantie des assurances obligatoire de dommages (FGAO), l'assureur pourra opposer cette nullité aux victimes.
Ces dernières n'obtiendront aucune indemnisation de l'assureur et devront alors saisir le FGAO pour être indemnisées. Le fonds de garantie se retournera ensuite contre l'auteur responsable pour obtenir le remboursement de l'intégralité des sommes qu'il aura déboursées.
Les conséquences vis-à-vis des tiers victimes du seul préjudice matériel
Attention : en l'absence de dommages corporels, le Fonds de garantie n'indemnisera pas les seuls préjudices matériels subis par les victimes. Si ces dernières ne disposent pas de garantie « dommages accident », les dégâts matériels subis (notamment par leur véhicule) ne seront pas indemnisés, sauf recours contre l'auteur responsable si celui-ci s'avère solvable.
Des conséquences lourdes pour le conducteur responsable
En résumé, conduire sans permis valable, c'est prendre un risque énorme qui aura des conséquences financières très importantes en cas d'accident grave.
Pas d'indemnisation de l'assureur même en tant que victime
- pas d'indemnisation du préjudice matériel (dommages subis par le véhicule) ;
- pas d'indemnisation en cas de blessure, arrêt de travail, invalidité, etc.
Un endettement sa vie durant
Il faudra faire face au recours effectué par l'assureur ou par le Fonds de garantie (FGAO) pour obtenir le remboursement des indemnités versées aux victimes. Le montant de ce recours pouvant être très élevé, le responsable risque d'avoir à rembourser durant toute sa vie...
Bon à savoir : il en est de même si vous conduisez sans avoir le permis adéquat, par exemple si vous conduisez une moto avec le seul permis voiture.